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Journée Internationale de la femme africaine et afrodescendante 31 juillet 2020

 

 

A l'occasion de la Journée Internationale de la femme africaine et afrodescendante le 31 juillet 2020 à l'Institut Culturel Hispano Lusophone, j'ai exposé des toiles sur le thème "femmes afros" et j'ai présenté une communication sur Maryse Condé, je vous livre quelques extraits :

 

Regard sur la vie et le parcours littéraire de Maryse Condé : une femme inspirante

 

Avez-vous déjà entendu parler des TED (Technology, Entertainment and Design) Talks ? C'est dans l'optique des présentations inspirantes dans différents domaines des arts, sciences et technologies que je veux inscrire mon discours aujourd'hui. Je voudrais partager avec vous l’histoire unique d'une femme singulière (auteur d'une cinquantaine d'ouvrages dont une trentaine de romans) .

Maryse Condé, née Marise Liliane Appoline Boucolon, est une écrivaine née à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) le 11 février 1937. En 1953 elle part étudier en métropole au lycée Fénelon. En 1959, elle se marie avec l'acteur guinéen Mamadou Condé et part pour la Guinée. Après son divorce, elle continue de séjourner en Afrique avec ses quatre enfants. Elle enseigne le français en Côte d'Ivoire, en Guinée, au Ghana et au Sénégal. Puis en 1973, elle quitte l'Afrique pour retourner vivre en France. En 1975, elle obtient à la Sorbonne Nouvelle un doctorat en littérature comparée. L'année suivante elle publie son premier roman, Heremakhonon (1976), réédité plus tard sous le titre En attendant le bonheur. En 1981, elle épouse en secondes noces Richard Philcox, le traducteur anglais de la plupart de ses romans. Elle enseigne dans diverses universités et entame sa carrière de romancière. Après la publication de Ségou (1984), son troisième roman, elle rentre en Guadeloupe. Cependant, elle quitte son île natale pour s'établir aux USA où elle enseigne à l'Université Columbia. C'est grâce au roman Moi, Tituba sorcière... Noire de Salem (1986) qu'elle reçoit en 1987 son premier prix littéraire : le Grand Prix littéraire de la Femme. Le prix Marguerite-Yourcenar est décerné à l'écrivaine en 1999 pour Le cœur à rire et à pleurer, écrit autobiographique qui fait le récit de son enfance. Après de nombreuses années d'enseignement à l'Université Columbia, où elle préside le Centre des études françaises et francophones depuis sa fondation en 1997 jusqu'en 2002. En « Guadeloupéenne indépendantiste », elle partage son temps entre son île natale et New York. En janvier 2004, elle a présidé le Comité pour la mémoire de l’esclavage, en vue de l’application de la loi Taubira qui, en 2001, a reconnu la traite négrière et l’esclavage comme crimes contre l’humanité. A ce titre, l'écrivaine proposa à Jacques Chirac président de la république française de fixer une journée annuelle de commémoration de l'abolition de l'esclavage, chose qui fut faite en 2006, en choisissant la date du 10 mai. L'autrice guadeloupéenne a déjà été distinguée par le prix spécial de la Francophonie en 2013, puis, plus récemment, par le prix Nobel « alternatif » de littérature en 2018. Le 2 mars 2020, Emmanuel Macron reçoit Maryse Condé pour lui décerner la Grand-Croix de l’ordre national du Mérite lors d’une cérémonie au Palais de l’Elysée.

Emmanuel Macron s’est confié sur le lien qu’il entretient avec l’œuvre de Maryse Condé : « Je l’ai connu quand j’étais jeune étudiant, je l’ai lue pour la première fois avant de partir au Nigeria, il y a vingt ans. C’était Ségou. Elle m’accompagne depuis des années, j’ai toujours été passionné par l’Afrique et elle fait partie des écrivains qui m’ont appris l’Afrique. » Il a également affirmé avoir été bouleversé par les « combats qu’elle a menés », et par « cette espèce de fièvre qu’elle porte, d’indiscipline, de décalage permanent ».

De tous les livres de Maryse Condé que j'ai lus, c'est La vie sans fards qui m'a touchée, interpelée en tant que femme africaine. Je me suis dit : Quel dur métier que celui de vivre ! Encore plus dur est celui d'écrire, d'écrire sur soi; quand l'on sait que se décrire est un exercice difficile. Prendre à bras-le-corps la vie, faire des rencontres amoureuses historiques, littéraires qui nous forgent, nous secouent. Maryse Condé est une femme courageuse qui a voulu vivre et écrire, insuffler cette vie, cette force de se relever après un drame, guidée par ces quelques mots : "avoir la force de regarder demain" (Aimé Césaire). Maryse Condé a écrit pour se libérer d'une angoisse et la dominer. Elle nous dit dans La vie sans fards que la rage de vivre peut se condenser dans l'écriture et la fréquence avec laquelle on produit. C'est une femme qui a refusé de se poser en victime dans la société car son féminisme est un corps-à-corps avec la liberté de choix politique, choix de femme, de mère et d'écrivain. Des choix pleinement assumés afin de trouver d'autres raisons de vivre, d'exister, pas d'exister simplement mais d'exister en puissance. Elle n'impose pas une forme de vie, elle propose une voie. La force de sa voix, c'est qu'elle reconnait ses faiblesses, elle assume ses erreurs de femme intelligente. C'est à 42 ans qu'elle devient écrivain et avoue d'ailleurs : « on ne peut écrire que lorsqu’on n’a plus peur, qu’on est libéré de toute préoccupation matérielle. La vie ne m’est devenue vivable qu’à 42 ans. Avant je souffrais trop. »

Le parcours littéraire de Maryse Condé débute avec une autobiographie En attendant le bonheur et dans La vie sans fards, elle a choisi d'aborder autrement le sujet autobiographique en nous disant que le bonheur finit toujours par arriver puisque le récit prend fin lorsqu'elle trouve enfin le bonheur.  

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Maryse Condé est allée en Afrique se découvrir : “si je n’avais pas vécu en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou au Ghana, je ne serais pas devenue Maryse Condé. Sans compter que l’Afrique m’a donné une chose précieuse : la fierté d’être noire. Dire: je suis d'origine africaine, ça ne veut rien dire ! On est d’abord africain, que l’on naisse ou que l’on grandisse ailleurs”. En Afrique, Maryse Condé côtoie des hommes politiques tels qu'Amilcar Cabral, Sékou Touré, elle entretient une relation amoureuse avec le panafricaniste Kwame Nkrumah au Ghana, elle a l'opportunité de voir et d'écouter Malcolm X en visite au Sénégal et ses rencontres littéraires vont de Ousmane Sembène en passant par les écrivains Ahmadou Kourouma ou Mariama Bâ, Alioune Diop et Christiane Yandé Diop de Présence africaine, Richard Wright. De son rapport à l'identité et à l'Afrique, Maryse Condé déclare dans La Vie sans fards : “Il avait fallu ma découverte d'Aimé Césaire et de la Négritude pour au moins connaître mon origine et prendre certaines distances avec mon héritage colonial. A présent, que voulait-on de moi ? Que j'adopte entièrement la culture de l'Afrique ?” (p. 101-102). Elle ajoute : “je fis la connaissance de l'importante colonie d'exilés haïtiens dont le grand poète Jean Brière, tellement courtois et affable. Dans cette compagnie j'appris à faire le parallèle entre le sort d'Haïti et celui des pays africains. Ils souffraient des mêmes maux : incurie et tyrannie de leurs dirigeants qui ne se préoccupaient pas du sort de leurs peuples. Corruption généralisée de la société. Ingérence des pays occidentaux qui n'avaient que leurs propres intérêts à coeur”. (p. 155).

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Pour ce qui est du féminisme, Maryse Condé pense qu'elle ne peut prétendre être une féministe au sens où on l'entend aujourd'hui car elle aime cuisiner pour sa famille, elle est dépendante de son mari depuis son accident. A cet égard, elle pourrait adouber quelques idées de la tradwife (femme au foyer) en ce sens qu'elle argue : “Or il faudrait que toutes les femmes se rendent compte qu’elles ont en elles des tas d’histoires à raconter, il faut qu’elles s’y mettent un jour. Une femme qui fait la cuisine doit considérer qu’elle n’accomplit pas une tâche mineure : la cuisine est un lieu de créativité. Les femmes doivent apprendre à se valoriser tout le temps”. De fait, Maryse Condé, va contredire dans Mets et Merveilles, ce que dit sa mère bourgeoise “ Seules les personnes bêtes se passionnent pour la cuisine” (p. 22). Elle peut ainsi rendre hommage dans Victoire, les saveurs et les mots à sa grand-mère cuisinière, Victoire Elodie Quidal, qui a su par ses relations, “élever” socialement ses enfants.

Si vous me demandez mon avis, je pense que le féminisme doit être pratique et lié au choix individuel de chaque femme. Selon moi, le féminisme est un choix libre de femme; une manière de vivre sa vie de femme, de trouver son équilibre, son bonheur. Il ne s’agit pas d'un féminisme académique où différents féminismes (femen, féminisme pop, féminisme radical, féminisme light...) s'affrontent au sujet de leurs théories. Le féminisme devrait se focaliser sur l’égalité, la justice et la liberté. On l'oublie souvent c'est pourquoi on accuse la tradwife de faire reculer la lutte feministe mais si la tradwife assume sa féminité en choisissant librement de faire ce qu'elle aime (faire le ménage, la cuisine pour sa famille et élever ses enfants, cf. Mariama Bâ, Une si longue lettre : "Les femmes qu'on appelle ''femmes au foyer'' ont du mérite. Le travail domestique qu’elles assument et qui n’est pas rétribué en monnaies sonnantes, est essentiel dans le foyer. Leur récompense reste la pile de linge odorant et bien repassé, le carrelage luisant où le pied glisse, la cuisine gaie où la sauce embaume"), elle est tout aussi féministe que la femme qui choisit librement d'être physicienne, mécanicienne ou taxiwoman.

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Par ailleurs, je voudrais aussi parler du mariage. On fait une fixation sur le mariage en Afrique à telle enseigne que les femmes sont souvent vilipendées quand elles ne sont pas mariées. Cette obsession mène parfois les femmes vers des unions malheureuses. Or il n'est pas seulement important d'être en couple, il est mieux d'être heureuse en ménage. Que tu sois femme au foyer (tradwife) ou salariée, célibataire ou mariée, commerçante ambulante ou à la direction d'une entreprise... « Voici ce qui devrait être ton postulat féministe de base : je compte. Je compte autant. Pas « à condition que ». Pas « tant que ». Je compte autant. Un point c'est tout » (Chimamanda Ngozi Adichie). Ce postulat doit être la ferme conviction sur laquelle chaque femme doit se fonder. Eh oui ! Je compte, pas à 10%, 30% ou 50%, je compte à 100%, c'est tout. Cette phrase martelée avec fermeté me parle en tant que femme et je voudrais qu'elle soit le leitmotiv de chaque femme. Les mots sont forts et ils m'instillent autant de force que leur simple déclamation.

 

Le 2 avril 2024, Maryse Condé nous a quittés.

1934-2024, Maryse Condé forever.

 

Marina Ondo

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01/09/2020
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