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Le puzzle de Carnaud Atomo Mengue, parution

 


 Présentation de l'ouvrage Le puzzle. Fragments de mémoire de Carnaud Atomo Mengue à l'hotel Méridien par Marina Ondo le 20 juillet 2012.

 

 

      Puisqu’aujourd’hui, il m’est donné ici de présenter Puzzle. Fragments de mémoire de Carnaud Atomo Mengue. Je vais vous dire ce qui m’est évidemment venu à l’esprit à l’évocation de ce titre. Lorsque je vois, je dirais même lorsque j’entends Puzzle, je pense à l’éclatement, au désordre, aux objets épars, et somme toute, à la dislocation des éléments. Ce faisant, je comprends qu’il m’appartient de reconstituer le puzzle. Mais quel Puzzle ? Après lecture du roman je m’aperçois qu’il pourrait s’agir d’un Puzzle identitaire, communautaire, familial. Je retiens alors le puzzle familial. Je dirais tout d’abord que le cercle familial est à la fois une institution sociale, juridique et économique, qui existe dans toutes les sociétés humaines selon l'anthropologue Claude Levi-Strauss. Cela suppose qu’une communauté de personnes réunies par des liens de parenté est amenée à créer un système de solidarité morale et matérielle censée les protéger et favoriser leur développement social, physique et affectif. Or, il appert que de nos jours, cette famille se meurt. Elle se meurt parce que la famille, jadis source de bonheur devient un lieu de malheur, parce que les valeurs intrinsèques y afférentes s’en trouvent ébranlées. Lorsqu’on sait que les grandes familles font les sociétés fortes, on comprend dès lors la motivation de l’auteur à vouloir consolider le cercle familial. Pourtant, c’est à s’y fourvoyer si on ne reconstitue pas tous ces fragments de légendes rurales et urbaines, pièce par pièce, pour reconstituer dans le bon sens la trame des histoires qui, bon gré mal gré, sont étroitement corrélés dans le roman. Carnaud Atomo Mengue trouve dans les contradictions internes de cette ville de Yemo écartelée entre passé et présent, jeunes et vieux, rêves d’hier et cynisme d’aujourd’hui, de quoi nourrir son écriture grinçante. En soi ce n’est pas un réquisitoire, mais plutôt un voyage mnémonique vers d’autres cieux, vers une époque révolue. Rien à voir avec l'époque d'aujourd’hui où la déliquescence des rapports humains en dit long sur les mœurs gabonaises. Qu’est-ce, en son principe, la famille ? Il convient de convenir de ce qu’elle n’est point. Elle n’est point un lieu d’affrontement, de jalousie et de crime. Même si le titre du livre peut paraître énigmatique, le dessein de l’ouvrage ne subsume aucune charge subversive : il ne s’agit pas non plus trouver l’énigme dans un roman policier comme le supposerait une lecture imprudente ou une imagination simpliste. Mais il s’agit plutôt de renforcer l’idée d’une solidarité effective. C’est donc une approche iconoclaste de la norme culturelle que le lecteur découvrira avec délectation. Il est vrai que les crimes rituels sont au centre de cette rivalité de pouvoir. On pourrait s’arrêter là, si le roman n’était pas sous-titré « Fragments de mémoire». Rien de profondément historique, on s’en doute, dans ce récit caustique du voyage, le  narrateur  est ostalgique  et j’ajouterais même nostalgique parce qu’il ne se contente pas de regarder en arrière, il observe, avec regret, des valeurs traditionnelles et humaines qui s’étiolent, et en cette matière, contribuent à dégrader la société gabonaise. A cela, il faut ajouter  que le roman est original à double titre :

   Premièrement, l’objet lui-même est sociologique et donc établit un rapport social à l’opinion dont la caractéristique est de se méconnaître comme tel. Pour prendre toute la mesure des changements, l’auteur commence par décrire l’état antérieur de la société, qui n’a d’ailleurs, tant s'en faut, pas entièrement disparu. Il s’arrête ensuite sur les caractéristiques nouvelles de cette société. Il s’agit manifestement d’une contribution appréciable qui arrive à point nommé.


   Deuxièmement, le roman nous donne des indications précises sur la phytothérapie, la médecine par les plantes naturelles ayant perdue des adeptes alors que dans un pays où la population est économiquement faible, il serait aisé de maîtriser l’utilisation des plantes médicinales. À la vérité, le mérite de l’auteur est d’avoir tenu compte des dernières avancées de la recherche sur un objet qui n’est plus la terre réservée de l’orthodoxie académique du sociologue ou du biologiste. Et tout compte fait, le roman est impressionnant de par sa cohérence d’ensemble car l’auteur de cet ouvrage, nous livre des chapitres d’une facture remarquable, écrits dans une langue fluide, littéraire, maniant avec délectation son objet. De fait, il n’est évidemment pas possible de dissocier cette contribution intellectuelle d'un acte liturgique, celui d’un apport à l’éducation populaire en termes de culture et d’une œuvre monumentale dédiée à la police de proximité. Une police qui peut être aussi constituée des membres d’une communauté.

 

   La lecture du roman est pénétrante lorsqu’on a commencé, on veut absolument connaitre le fin mot de l’histoire. Et, ce qui est plus qu’appréciable, ne fût-ce que sur le plan heuristique, c’est la découverte d’un environnement familial serein et rassurant où, la femme à travers l’image de la grand-mère yémoise, assure encore le rôle dévolue à la femme notamment l’éducation des enfants et la maîtrise de la préparation des décoctions traditionnelles aux vertus thérapeutiques. On ne peut donc pas faire l’économie d’une analyse critique de ce rôle qui tend à être subverti actuellement. A cet égard, le puzzle peut se substituer à une entreprise de mobilisation savante obéissant aux contraintes objectives de l’état des lieux de notre société gabonaise. Il faut dire qu’en arrière-plan, l’auteur jette une lueur vespérale sur une problématique souvent occultée : le crime rituel. Ce type de thème dont l’urgence de la résolution mérite d’attirer l’attention, est ici remarquable et confirme la valeur du roman qui  sans aspérité tente de rédimer, sous la peccabilité de fond, le rite de l'évesse. C’est manifestement un ouvrage qui réconcilie l’homme avec l’homme, c’est un vibrant hommage à l’humanisme que l’enfer capitaliste des villes nous fait souvent oublier.

 

  Disons-le clairement : le roman renoue, dans un enthousiasme communicatif, avec des traditions qui avaient besoin d’être actualisées. La force de ce livre tient à son aptitude à lier une critique théorique particulièrement pertinente à des applications empiriques fort bien menées. Cela dit, il est très rare que je me livre à cet exercice délicat qu'est la critique d’un roman, a fortiori lorsque ma légitimité n’est pas vraiment assurée dans le secteur concerné. Ici, seule ma compétence de  lectrice de la littérature gabonaise pourrait être avancée. 

Marina Ondo

 

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12/07/2012
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